Après plusieurs années de colocation en maisons collectives autogérées à Leipzig, d’habitation en caravane dans un écovillage utopiste allemand et d’études en arts plastiques, de la performance à la peinture, Suzan Noesen est revenue au pays. À la recherche d’un logement et d’un atelier abordable, elle a fini par s’installer dans l’ancienne ferme familiale, au cœur du village rural de Septfontaines pour y fonder avec sa grand-mère, dite « Bomi », une colocation créative, dans tous les sens du terme.
« Chez ma grand-mère, on a la sensation que le temps s’est arrêté. Un peu partout, sont encore accrochés les dessins que je faisais chez elle, petite fille. Quelque part, j’ai toujours relié le fait de créer à son environnement ».
Au début, les mondes des deux femmes s’entrechoquent. « Ma grand-mère a travaillé dur toute sa vie alors que mon travail se nourrit de contemplation ».
« Lorsque « Bomi » a accouché, sa belle-mère l’a appelée à la maternité pour lui reprocher de ne pas avoir balayé la cour avant de partir. »
Mais, petit à petit, elles s’apprivoisent par-delà leurs différences et mènent leur quotidien en parallèle comme deux colocataires. Dans la cuisine devenue lieu de rencontre, « Bomi » raconte sa vie à Suzan : le travail à la ferme, son statut de femme… « Lorsque « Bomi » a accouché, sa belle-mère l’a appelée à la maternité pour lui reprocher de ne pas avoir balayé la cour avant de partir », raconte Suzan. « Il faudrait écrire un livre dessus » lui aurait dit « Bomi ».
Suzan peint et photographie sa grand-mère qui se prend au jeu. « Quand je lui ai parlé de mon projet « Livre d’Heures », elle était fière. Un peu comme une enfant, elle a quelque chose d’encore très ouvert et spontané, elle aime être filmée, elle savoure le fait que tous ses petits gestes du quotidien soient scrutés avec autant d’importance ».
Entre fiction et réalité, par le biais de différents supports (film, installation, performance), le projet transdisciplinaire de Suzan Noesen, qui se réalise courant 2018, transposera donc ces rituels du quotidien qui rapprochent et séparent les deux femmes. « Peut-être formons nous une drôle de combinaison, mais elle nous a ouvert, à l’une comme à l’autre, un champ des possibles et donné une extrême liberté ».