Leave… répond à l’appel à création thématique du TROIS C-L sur le sujet de la migration. « Face à cette situation, nous nous sommes posés la question de savoir quelle était notre légitimé en tant que chorégraphe européen de traiter un sujet aussi délicat que la migration alors que nous ne l’avons pas intimement vécue. Comment ne pas éluder cette question de survie que se posent ceux qui entreprennent ce long voyage vers l’inconnu, voyage d’angoisse et d’incertitude et comment la faire ressentir au spectateur ? ».
C’est ce questionnement que les chorégraphes Jennifer Gohier et Grégory Beaumont ont tenu à partager avec le public dans une réflexion à la fois limpide, pertinente et poignante.
« Il aurait été réducteur de ne parler que d’une migration forcée et illégale. »
« Notre objectif était que le public se sente concerné par le sujet et pas uniquement spectateur, comme il peut l’être devant sa télé en regardant les actualités. Nous avons donc choisi de casser la frontière existante entre spectateur et artiste afin de loger le public au cœur de l’espace scénique. Ainsi, en chamboulant les codes du spectacle traditionnel, les danseurs poussent le public à sortir de sa zone de confort, tout comme on l’est quand on immigre dans un nouveau pays dont on ne connaît pas les codes, les coutumes, la langue… », explique Jennifer Gohier en nous donnant la définition au sens large de la migration à savoir « le déplacement d’individus ou de populations d’un pays dans un autre ».
La migration humaine a en effet toujours existé et la construction de chaque pays repose sur les différentes vagues d’immigrations humaines qui ont construit son histoire et sa culture. Le Luxembourg en est un parfait exemple.
La pièce Leave… est surtout exceptionnelle par sa conception chorégraphique. En choisissant délibérément de mettre le public au centre de l’espace scénique et les danseurs en constante interaction avec celui-ci, la vraie difficulté consistait dans le travail d’improvisation des danseurs sur scène. Grâce à cette dimension, Leave… met en relief comment hommes et femmes se retrouvent loin de leur pays d’origine et s’accommodent de leur sort ou le déjouent, brouillant ainsi les frontières et les appartenances.